Pour nous, celui qui adore les nègres est aussi "malade" que celui qui les exècre". Frantz Fanon; Peau noire, masques blancs; publié en 1952.

02/07/2020

La décolonisation faite, cet essai de compréhension du rapport Noir-Blanc a gardé toute sa valeur prophétique : car le racisme, malgré les horreurs dont il a affligé le monde, reste un problème d'avenir.

Il est ici abordé et combattu de front, avec toutes les ressources des sciences de l'homme et avec la passion de celui qui allait devenir un maître à penser pour beaucoup d'intellectuels du tiers monde.

Né à Fort-de-France en 1925, il s'engage dans les Forces françaises libre en 1943, puis étudie la médecine, la philosophie et la psychologie à Lyon. Il devient médecin-chef de l'hôpital psychiatrique de Bilda, mais il est expulsé d'Algérie en 1957 et s'installe à Tunis où il reste lié avec les dirigeants du GPRA. Il meurt d'une leucémie après avoir publié deux autres ouvrages consacrés à la révolution algérienne et à la décolonisation.

Lorsque Frantz Fanon dit « Pour nous, celui qui adore les nègres est aussi « malade » que celui qui les exècre ». Il évoque un paradoxe toujours d'actualité dans notre société : D'un côté, les racistes qui éprouvent une détestation envers les Noirs. L'homme Noir serait une sous race, un être (ou plutôt un bien) détestable et abominable qui n'a rien d'humain, et qui, en raison de sa couleur, doit être systématiquement réduit en esclavage. 

De l'autre côté, les adorateurs des Noirs. Le Noir serait un être exceptionnel qui par son histoire, sa vélocité est capable de tous les exploits de ce monde. Un être ayant souffert par le passé qui se doit d'être grandiose aujourd'hui.

Or, pour Fanon, dans les deux cas- qu'on soit raciste ou adorateur Noir- qu'on « adore le noir » ou qu'on « l'exècre » le résultat est similaire : l'homme noir est déshumanisé et renvoyé à sa couleur de peau. Soit le noir est vu comme un bon à rien (thèse raciste) soit il est extraordinaire (thèse antiraciste).

En ce sens, Tania de Montaigne explique qu'il existe des « Noirs friendly » qui culpabilisent de l'esclavage et veulent racheter les actes de leurs ancêtres par des discours ou des actes absurdes, a priori amicaux mais qui sont tout autant discriminants que les actes racistes.

« Les Noirs, comme tous les êtres en majuscules, n'ont pas le droit d'être moyens ou communs... il m'arrive régulièrement de croiser des personnes qui trouvent les Noirs « géniaux »... Il faut être gentil avec les Noirs, les Juifs, les Musulmans, les Jaunes, leur culture présente une telle richesse.» Finalement, sans juste milieux il semble très difficile de pouvoir mener un véritable combat contre le racisme.

Personne ne demande à l'homme blanc d'aujourd'hui d'être responsable des négriers du XVII ème siècle pour paraphraser Frantz Fanon ou de poser un genou à terre comme l'affirme Marion Maréchal Lepen. Il s'agit en réalité d'un combat pour l'égalité, pour l'application de la Constitution « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ». Personne ne demande à réécrire l'histoire mais plutôt raviver la mémoire. Cette mémoire, vitale et nécessaire pour poser des bases saines entre tous les hommes sans distinction de couleur. 

Bien sûr, il s'agit d'une lutte contre tous les racismes, « l'antisémitisme me touche en pleine chair, je m'émeus, une contestation effroyable m'anémie, on me refuse la possibilité d'être un homme. Je ne puis me désolidariser du sort réservé à mon frère. Chacun de mes actes engage l'homme. Chacune de mes réticences, chacune de mes lâchetés manifeste l'homme ». (Frantz Fanon). 

Après la lutte pour la reconnaissance du racisme colonial, d'un esclavage crime contre l'humanité (loi du 21 mai 2001) il est peut être temps d'une lutte pour une application effective de toutes ces lois puisqu'elles sont difficilement applicables comme en atteste l'actualité avec les affaires George Floyd ou Adama Traoré. Peu importe, le lieu, qu'on soit aux Etats-Unis ou en France,  rien ne justifie qu'on refuse la qualité d'être humains en raison d'une origine ou d'une couleur de peau car« une injustice commise quelque part est une injustice commise dans le monde entier» (Martin Luther King).