Flouter la police : l'Assemblée nationale dit "oui"
L'article 24 de la proposition de loi "sécurité globale" prévoyant de pénaliser la diffusion d'image des forces de l'ordre a été adopté le 20 novembre 2020 par l'Assemblée nationale.
I. - Le paragraphe 3 du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 35 quinquies ainsi rédigé :
« Art. 35 quinquies. - Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, dans le but qu'il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l'image du visage ou tout autre élément d'identification d'un fonctionnaire de la police nationale ou d'un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu'il agit dans le cadre d'une opération de police. »
II. - L'article 35 quinquies de la loi du 28 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne font pas obstacle à la communication, aux autorités administratives et judiciaires compétentes, dans le cadre des procédures qu'elles diligentent, d'images et éléments d'identification d'un fonctionnaire de la police nationale ou d'un militaire de la gendarmerie nationale.
CONTEXTE
En 2017, le Président de la République a fait de la sécurité la première priorité de son quinquennat.
Les affaires de « bavure policière » qui peut être défini comme étant l'emploi par la police de la force hors du cadre défini par la loi, ont toujours suscité l'indignation de l'opinion publique. Les avancées technologiques tel que l'invention de la photographie et de la vidéo ont permis de diffuser ces violences aux yeux de tous notamment au départ grâce aux travaux des journalistes.
Cependant, avec la montée en puissance des réseaux sociaux, la diffusion de ces images va à vitesse grand V et appartient désormais à tout individu. Cela n'a fait que renforcer l'intéressement des citoyens dans le monde entier face à ces évènements ce que nous avons d'ailleurs pu constater dernièrement avec la triste mort de G.Floyd. En France, c'est à compter de la mort de Zyad et Bouna que les relations se sont fortement dégradées entre les français et la police (émeutes de 2005). Alors oui la question de réguler les réseaux sociaux afin d'une part d'apaiser les relations entre les citoyens et les forces de l'ordre et d'autre part de ne pas attiser la haine et la diabolisation de ses derniers doit se poser.
Néanmoins, ces bavures restent une réalité souvent démontrées et prouvée par la captation mais surtout par la diffusion d'image et de vidéo.
Qui est à l'initiative de cette loi ?
Avec les nombreuses polémiques qui se sont soulevées autour de la loi dite « securité globale », nous sommes nombreux à nous demander pourquoi sème-t-elle autant la zizanie au sein de l'hémicycle alors même que cette loi fut proposée par deux députés de la majorité, Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue. Cette proposition de loi aurait dû être examinée en janvier 2020 mais, la crise sanitaire en a décidé autrement. Jusqu'à quelle soit remise au gouvernement, les mesures de sécurités proposées dans cette loi s'inscrivaient dans la continuité logique d'une volonté de renforcer la sécurité des citoyens (loi du 30 octobre 2017 voté par la RPEM et la majorité de l'AN renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme) mais également celle des acteurs de la sécurité et de la sureté : les policiers et les gendarmes.
Des lors, vous comprenez mieux l'appellation choisie celle de la « sécurité globale ». Ces mesures étaient notamment destinées à répondre aux inquiétudes des forces de sécurité, et de leur syndicat notamment après l'attaque aux mortiers d'artifice du commissariat de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) le.... Mais, c'est dès lors que le premier ministre, G. Darmanin se saisit de cette proportion de loi pour y ajouter de nouvelles mesures sécuritaires que l'indignation se soulèvent. Une indignation partagée tant par les députés, les journalistes que les citoyens. Mais alors, quelles sont les amendements apportés par G. Darmanin qui révoltent tant ?
Le contenu de l'article 24 de la proposition de loi Sécurité globale
Nous nous focaliserons ici sur l'article 24 car c'est précisément ce dernier qui créa des tensions et des débats notamment car il fait partie des articles qui ont été amender par le premier ministre. Cet article entend modifier la loi de 1881 sur la liberté de la presse, celle qui dispose que "les policiers ne peuvent pas s'opposer à être filmés sur la voie publique", disposition également reprise par la circulaire du 23 décembre 2008. Il entend réprimer pénalement d'1 an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de diffuser, « dans le but qu'il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l'image du visage ou tout autre élément d'identification d'un agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale ».
Nous comprenons à la lecture de cet article la volonté de G.Darmanin d'obliger le fait de flouter le visage des policiers, volonté qui n'est d'ailleurs pas partagé par de nombreux députes de la majorité. De plus, nous saisissons évidemment ce qu'est l'intégrité physique mais l'intégrité psychique reste une notion très large qui laisse place à un champ d'application assez étendu et qui irait donc à l'encontre du principe de légalité des délits et des peines (art 8 DDHC)) comme l'a souligné le défenseur de droits dans son avis n 21-05 publié le 3 novembre 2020.
Une atteinte à la liberté d'informer mais pas que...
Défenseurs des libertés publiques, journalistes, médias et militants antiviolences policières s'indignent de cet article. On pourrait se demander, à partir du moment où cet article n'interdit pas le fait de filmer en tant que tels les policiers, pourquoi créée-t-il tant de tension ? En réalité, c'est par la diffusion de ces images que de nombreux journalistes ont pu documenter et corroborer leurs propos relatifs aux bavures policières.
De plus, le commissaire de l'IGP a expliqué dans une interview en affirmant que les vidéos "sont un moyen important d'investigation" ». En effet, c'est par la diffusion de ces images que de nombreux journalistes ont pu documenter et corroborer leurs propos relatifs aux bavures policières. Un peu de pratique pour saisir les réels enjeux de cet article modifié par le premier ministre. Lors de manifestation ou de tout autre évènement qui pourrait opposer les forces de l'ordre aux citoyens, des lors qu'un policier va avoir l'impression que l'image filmée par un journaliste ou quiconque porte atteinte à son intégrité (physique ou psychique) il va pouvoir intervenir et les arrêter. S'en suivra alors des poursuites qui engendreront le paiement des frais d'avocat et une perte de temps considérable. C'est pourquoi une réelle atteinte à liberté d'information est évoquée.